Un voyageur est une espèce d'historien ; son devoir est de raconter fidèlement ce qu'il a vu ou ce qu'il a entendu dire ; il ne doit rien inventer, mais aussi il ne doit rien omettre.
Il est difficile d'aimer avec toutes les conditions de bonheur, jeunesse, beauté, temps opportun, harmonie de cœur, de goût, de caractère, de grâces et d'années. Il ne manque à l'amour que la durée pour être à la fois l'Eden avant la chute et l'hosanna sans fin. Faites que la beauté, que la jeunesse demeure, que le cœur ne se puisse lasser et vous reproduirez le ciel.
La passion dominante de l'homme sera toujours la vérité ; quand il aime l'erreur, c'est que cette erreur, au moment qu'il y croit, est pour lui comme une chose vraie. Nous ne chérissons pas le mensonge, bien que nous y tombions sans cesse.
Après tout qu'importent la mort et les revers, si notre nom prononcé dans la postérité va faire battre un cœur généreux deux mille ans après notre vie ?
La postérité n'est pas aussi équitable dans ses arrêts qu'on le dit. Il y a des passions, des engouements de proximité. Quand la postérité admire sans restriction elle est scandalisée que les contemporains de l'homme admiré n'eussent pas de cet homme l'idée qu'elle en a ; cela s'explique pourtant : les choses qui plaisaient dans ce personnage sont passées, ses infirmités sont mortes avec lui ; il n'est resté de ce qu'il fut que sa vie impérissable ; mais le mal qu'il causa n'en est pas moins réel, mal en soi-même et dans son essence, mal surtout pour ceux qui l'ont supporté.
Souvent ce que l'on conteste à la légitimité, on l'accorde à l'usurpation : les hommes dans leur orgueil se consolent de l'esclavage lorsqu'ils ont eux-mêmes choisi leur maître parmi leurs égaux.
