L'État n'est pas la patrie, c'est l'abstraction, la fiction métaphysique, mystique, politique, juridique de la patrie. Les masses populaires de tous les pays aiment profondément leur patrie ; mais c'est un amour réel, naturel. Pas une idée : un fait... Et c'est pour cela que je me sens franchement et toujours la patriote de toutes les patries opprimées.
La morale n'a pas d'autre source, d'autre stimulant, d'autre cause, d'autre objet que la liberté. Elle n'est elle-même rien que liberté. Toutes les restrictions qu'on a imposées à cette dernière dans le but de protéger la morale ont donc toujours tourné au détriment de celle-ci.
Je n'hésite pas à dire que l'État c'est le mal, mais un mal historiquement nécessaire, aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard son extinction complète [...]. L'État n'est point la société, il n'en est qu'une forme historique aussi brutale qu'abstraite.
L'État c'est l'autorité, c'est la force, c'est l'ostentation et l'infatuation de la force. Il ne s'insinue pas, il ne cherche pas à convertir : et toutes les fois qu'il s'en mêle, il le fait de très mauvaise grâce ; car sa nature, ce n'est point de persuader, mais de s'imposer, de forcer.
L'État garantit toujours ce qu'il trouve : aux uns leurs richesses, aux autres la pauvreté ; aux uns la liberté fondée sur la propriété ; aux autres l'esclavage, conséquence fatale de leur misère.
Parti de l'état de gorille, l'homme n'arrive que très difficilement à la conscience de son humanité et à la réalisation de sa liberté. Il ne le fait qu'en se complétant de tous les individus qui l'entourent, et seulement grâce au travail et à la puissance collective de la société. La société, loin d'amoindrir et de limiter, crée au contraire la liberté des individus humains.
C'est en cherchant l'impossible que l'homme a toujours réalisé le possible. Ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n'ont jamais avancé d'un seul pas.
Toute théorie conséquence et sincère de l'État est essentiellement fondée sur le principe de l'autorité, c'est-à-dire sur cette idée [...] que les masses, toujours incapables de se gouverner, devront subir en tout temps le joug bienfaisant d'une sagesse et d'une justice qui, d'une manière ou d'une autre, leur seront imposées d'en haut.
L'État a toujours été le patrimoine d'une classe privilégiée quelconque : classe sacerdotale, nobiliaire, bourgeoise ; classe bureaucratique à la fin, lorsque, toutes les autres classes s'étant épuisées, l'État tombe ou s'élève, comme on voudra, à la condition de machine.
Puisque le prolétaire, le travailleur manuel, l'homme de peine, est le représentant historique du dernier esclavage sur terre, son émancipation est l'émancipation de tout le monde, son triomphe est le triomphe final de l'humanité.